L’artiste

Pierre, feuille, ciseaux

Par Tiphaine Samoyault – Avril 2023

Sur les sculptures-peintures de Frantz Absalon

Les sculptures-peintures de Frantz Absalon agrandissent les arts modestes : couture, broderie, magie, mosaïque. À de petites choses, l’artiste donne une taille de géantes, moins pour en connoter la grandeur que pour repeupler nos imaginaires. Voyez ces longs ciseaux formant un banc de sirènes. Voyez tous ces boutons : ils composent des pyramides ou des partitions nouvelles. Des fils noués, déliés, dessinant tantôt de longues chevelures, tantôt le trésor des Parques déposé là pour nous. La taille des aiguilles font de leur chas un œilleton d’où observer tout un monde recentré. Vives et sonores, les couleurs mettent ces objets en rythme. Elles les émancipent de l’usage et leur garantissent une vie autonome. Ciseaux, fils, boutons, aiguilles se chargent des couleurs qu’ils ont autrefois assemblées dans les boutiques des tailleurs, les ateliers de tapisserie, les tables des couturières : piquant, coupant, repiquant, ravaudant, bâtissant, faufilant, surjetant… des robes à fleurs, de longs rubans, de grands patchworks ou des tissus d’ameublement. Les instruments de la taille se sont échappés des mains des brodeuses et des tailleurs pour danser avec leur rythme propre dans une atmosphère de fête foraine.

« J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires… » Rimbaud aurait pu emporter avec lui ces objets d’art modestes qui composent les visions d’Une saison en enfer où des outils peuvent facilement devenir des totems et de simples figurines des guides spirituels. Il faut imaginer que ces sculptures peintes s’affranchissent de l’imaginaire marginal et total où elles sont nées. Car Frantz Absalon est aussi le créateur de ce qu’on appelle un « environnement visionnaire », faisant depuis douze ans de son appartement-atelier du XXe arrondissement de Paris, une sorte de sculpture monumentale, de faïence ou de céramiques assemblées, découpées, colorées, qui peut faire penser à la maison-atelier de Danielle Jaqui (née en 1934), à Roquevaire, ou à la maison Picassiette de Raymond Isidore (1900-1964) à Chartres, pour sa chapelle notamment. Dans cet univers, tout n’est encore que découpe, fragments, couleurs, rêves et chatoiement. Les ciseaux qui servent à couper la faïence ne s’émoussent pas en travaillant la pierre. Le bois inscrit le végétal dans le minéral aussi sûrement que des motifs. La matière et les thèmes sont homogènes, et il n’y a pas de frontières entre l’intérieur et l’extérieur, entre le signifiant et l’insignifiant. L’épingle – dite à nourrices – monumentale fait ce qu’elle dit : elle relie deux bords ou deux morceaux de tissu sans se dissimuler. Elle exhibe de la façon la plus ostentatoire l’ordinaire le plus simple : le geste provisoire, féminin, attentionné, pratique de réunir deux éléments pour ne pas que ça s’ouvre trop ou que ça tombe. L’épingle à nourrices a le pointu de l’aiguille qu’elle dissimule dans la rondeur de l’arc – et parfois mal : combien de bébés ont été piqués par une épingle mal refermée ! Elle réunit ces deux formes opposées et complémentaires qui existent à la fois dans la nature (les roches, les montagnes) et dans l’art (les cathédrales, les armes) : l’aiguille, l’arc. Frantz Absalon transpose ces formes extérieures, viriles et épiques dans l’intimité domestique : les ciseaux, les aiguilles et les fils grands comme nous qui les regardons deviennent les représentations, lyriques, chantantes, de nos activités ordinaires où nous mettons du cœur.

La pierre casse le ciseau. La feuille recouvre la pierre. Le ciseau et la pierre tombent dans le puits. La feuille recouvre aussi le puits. Le ciseau coupe la feuille. Chi-fou-mi. Dans ce jeu, lui aussi des plus modeste puisqu’il n’y faut qu’un partenaire et une main, personne n’a la barre sur l’autre. Personne ne peut gagner ni perdre définitivement. Cela tourne et c’est interminable. Les formes et les couleurs font ainsi. Elles tournent, se reprennent et signifient autrement. L’art de Frantz Absalon ne se soumet pas facilement aux catégories de l’histoire de l’art. Naïf, outsider ? Mais on y trouve aussi les couleurs de Sonia Delaunay et l’humour grinçant de Louise Bourgeois.  Primitiviste, totémique ? Mais s’y dressent aussi les flèches des cathédrales et s’y replie la longue durée de l’artisanat, exploration infinie de la petite variation dans l’espace confiné de la vie domestique. Dans tout cela, beaucoup de survivances et donc de rituels, migrations infinies des artistes en exil qui font de cet exil le mouvement même du retour et du ressac ; et qui exprime au fond le rapport au temps parfois inquiétant des figures maternelles.”

Veerle de Saeger

« Les sculptures de Frantz Absalon exploitent un équilibre en tension entre différentes dimensions imaginaires déterminées par la peinture, la sculpture et l’installation dont la base est la sculpture elle-même, animée d’un effort physique dans sa réalisation. Tout part de l’état original du bois, ce matériau non-équarri, jusqu’à sa forme finale où l’épure rejoint la perfection. La galerie montre pour la première fois une sélection importante de ses sculptures. Il s’agit de formes ludiques et colorées faites de bois tendre ou nerveux, parfois drôles mais aussi très attirantes et émouvantes sur le plan visuel et formel. Le fil rouge de cet ensemble demeure l’esthétique.

A partir de l’aiguille et de l’arc (en plein cintre), naît un monde de sculptures caractérisé par sa simplicité et sa couleur où les deux formes, historiquement chargées, sont continuellement créées et recréées par l’artiste. Il y a de la simplicité dans la diversité et de la diversité dans les couleurs, les formes et les rythmes : des longues et fines aiguilles à petits chas jusqu’aux fermes aiguilles à repriser, des ciseaux de poche, pour papier ou à ongles, agrandis jusqu’aux formes quasi-végétales (feuilles, tiges ou fagots) qui font référence à leur forme originale de ciseau ou d’aiguille. D’autres formes imaginaires interviennent comme ces épingles à nourrice qui paraissent extraites d’un film d’animation ou d’un parc d’attraction.

Ce sont des détails insignifiants de notre entourage quotidien qui, repris, retravaillés et agrandis jusqu’à l’extrême aboutissent à ces sculptures équilibrées.

De même que le ciseau et l’épingle à nourrice, l’aiguille, symbole de dextérité et de travail manuel, fait non seulement penser à une lance ou à un sceptre (de fertilité ou cérémoniel) mais elle reçoit en outre par cet aspect une dimension symbolique supplémentaire ainsi qu’une force tranquille. Les bandes colorées qui ornent ces sculptures sont des rappels certains des gammes chromatiques se trouvant sur les vieux bateaux de pêcheurs de la Martinique et elles reprennent en parallèle, et sans le savoir, toutes ces réminiscences visuelles que l’artiste a emmenées avec lui.

Quant à l’arc, ou l’arc roman, il nous renvoie directement vers la culture européenne médiévale tout en dissimulant, sous un sentiment polymorphe, la protection, le retrait et la sérénité. Cette forme dont la stabilité répond à la perfection formelle à présent inscrite en dehors du temps, est à la fois fondatrice et porteuse d’une architecture qui nous renvoie, par la présence spirituelle qu’elle convoque, à la tradition des bâtisseurs romans incarnée par l’esprit des Cisterciens.

La création de ces aiguilles, ciseaux et épingles, comme celle de ses peintures où l’arc roman domine, fait partie d’un processus ininterrompu de construction et de déconstruction qui est essentiel pour Frantz Absalon dans l’exploration de son parcours pictural et culturel: il s’agit constamment de remettre en question son langage formel et de le retravailler de manière à déplacer, voire réfuter, ses propres frontières. Dans son travail, il part continuellement à la recherche d’une improbable satisfaction, d’une tranquillité et d’un équilibre, tout en évitant la répétition, la facilité et l’extrême. Cette réinvention de l’austérité l’emmène vers une réponse pure, la sculpture parfaite dans la couleur adéquate ».

Biographie

Principales expositions

  • expositions personnelles
  • 2020- 2021   . polyphonie pour la création caribéenne, La Tannerie, Espace d’art contemporain associatif Regard Parole. Houdan.
  • 2013   . Médiathèque du Trapèze, Boulogne-Billancourt.
  • . Espace Landowski, Boulogne-Billancourt.
  • 2011   Galerie Buda. Asse. BELGIQUE.
  • 2009  “La liberté”. Maison de quartier. Pantin.
  • 2008   . Espace Marie Meunier. Paris
  • .  Espace Myriam H. Paris
  • 2007  Puls’art. Le Mans.
  • 2006  . “MAC 2006. Paris
  • . Foire d’Art Contemporain. Le Marin. Martinique
  • 2005 MAC 2005. Paris.
  • « au fil de la couleur », Galerie Buda. Asse. BELGIQUE.
  • 2003 Galerie Art Forum. Anvers. BELGIQUE.
  • 2002 Galerie d’Art. Beaucaire. 
  • Galerie Sur. Vienne. AUTRICHE.
  • 2000 Galerie White Elephant. Paris. 
  • . Galerie de Beerenburght. Eck en Wiel. PAYS-BAS.
  •  1997 Galerie Sur. Vienne. AUTRICHE.
  • 1996 Galerie Promotion des Contemporains. Gesves. BELGIQUE.
  • . Musée Albert Chanot. Clamart.
  • 1995 Galerie de Beerenburght. De Betuwe. PAYS-BAS.
  • 1994 Espace Bjorn Olafs. Paris.
  • . Galerie Pixi. Paris.
  • 1993 “Fondation Arp. Meudon.
  • . Galerie Brut de Culture. Paris.
  • 1990 Galerie 10. Paris.
  • 1989 Galerie Olivier Rouland. Paris.
  •  1988 Espace Moulin Vert. Paris.
  • 1986 Hewlet Packard. Evry.
  • . Mairie de Chateaudun.
  • . Cité internationale des Arts. Paris.
  • . Espace Pavé Glacé. Paris.
  • 1979 Galerie Louis Soulanges. Paris.
  • expositions collectives
  • 2021  .  L’usine à Zabu invite Regard Parole, L’usine à Zabu, Saint-Germain-des-Angles. France.
  • . “Petits formats, petits prix”, La Tannerie, Espace d’art contemporain associatif Regard Parole. Houdan.
  • 2019  .  “Convergence, autour de Krasno”, La Tannerie, Espace d’art contemporain associatif Regard Parole. Houdan.
  • . “Petits formats, petits prix”, La Tannerie, Espace d’art contemporain associatif Regard Parole. Houdan.
  • . “10 ans Carrément signés au dos”. Espace Alies Guinard à l’Espace Maison Blanche. Châtillon.
  • 2017  Fondation Florence. Espace Commines, Paris.
  • 2016   “Carrés signés au dos”. ESPACE ALIES GUINARD, Châtillon, France.
  • “Le Musée du Tout-Monde & Agora Mundo”, Cité internationale des art, Paris.
  • 2012 “Loges de concierges”. Grigny, France.
  • 2009“Email et Bois”. Galerie Gran Eterna. Paris.
  • 2007 Fondation Florence. Espace Commines, Paris.
  • “Loges de concierges”. Grigny, FRANCE.         
  • “Art et espoir “. Hôpital Princesse. Le Vésinet.
  • 2006 Galerie Buda. Asse. BELGIQUE.             
  • “Art et espoir “. Hôpital Necker. Paris.               
  • “Art Paris”. Galerie Pixi. Paris.             
  • “La saison du blanc “. Galerie Suty. Coye-la-forêt, France.
  • 2005 Galerie Lélia Mordoch. Paris.             
  • “Birdinvest “. Borgloon. BELGIQUE.
  • 2004 Galerie Pixi. Paris.             
  • Salon d’automne. Paris.
  •  2003 “Art…aventures”. Saint-Sulpice, Paris.
  • Galerie Pixi. Paris.
  • 2002 “Latitudes 2002”. Hôtel de Ville. Paris.               
  • Galerie K et Galerie White Elephant. Paris.
  • 2001 “Premier choix”. Galerie Pixi. Paris.             
  • Galerie White Elephant. Paris. 
  • 2000 Galerie du Haut-Pavé. Paris.
  • “Art Paris”. Galerie Pixi. Paris
  • Foire d’art contemporain. Osaka. JAPON.
  • National Gallery for foreign art. Sofia. BULGARIE.
  • 1999 “Beyonds boundaries”. Galerie Sur. Vienne. AUTRICHE.
  • “Musée des Amériques”. Maison de l’Amérique Latine. Paris.
  • “Art Paris”. Galerie Pixi. Paris.
  • “Petits formats 1999”. Galerie Kiron. Paris.
  • 1998 “Blanc”. Galerie Pixi. Paris.
  • 1997 Foire d’Art Contemporain. Istanbul. TURQUIE.
  • La règle et l’émotion”. Musée Campredon. L’Isle-sur-la-Sorgue. FRANCE.
  • “La cible”. Galerie Pixi. Paris.
  •  1996 “Musée miniature”. Galerie Pixi. Paris.
  • Galerie Alitash Kebede. Los Angeles. ETATS-UNIS.
  • Galerie noire et blanche. Paris.
  • Galerie Promotion des Contemporains. Gesves. BELGIQUE.
  • Foire Kunst Rai. Amsterdam. PAYS-BAS.
  • 1995 Atelier Art public. Paris.
  • “5° anniversaire”. Galerie Pixi. Paris.
  • Galerie Le monde de l’art. Paris.
  • Galerie Brut de culture. Paris.
  • 1994 Galerie K. Paris.
  • 1993 Ministère des Dom-Tom. Paris.
  • Salon de mai. Paris.
  • “Noël en noir et blanc”. Galerie Pixi. Paris.
  • 1992 Galerie Marie Mamias. Paris.
  • “Chiffres et nombres”. Galerie Pixi. Paris.
  • 1991 “Noir et blanc”. Galerie Attali. Paris.
  • “Le baiser”. Galerie Attali. Paris
  • “Musée miniature”. Galerie Pixi. Paris.
  • Galerie Marie Mamias. Paris.
  • 1990  Ministère des Dom-Tom. Paris.
  • “Rouge”. Galerie Pixi. Paris.
  • 1989 Galerie Olivier Rouland. Paris.
  • 1988 Mairie du 4° arrondissement. Paris.
  • 1978 Salon. Nationale des Beaux-Arts. Paris.
  • ANNEE : Nom de l’exposition, Lieu
  • ANNEE : Nom de l’exposition, Lieu